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Affichage des articles associés au libellé Fantastique

Là où les lucioles s'éteignent

Il s’appelait Guy. Quand il était petit, il croyait que les nuages étaient des animaux qui avaient choisi le ciel comme refuge. Il leur envoyait des messages avec des cerfs-volants fabriqués en papier de bonbon. Il parlait aux cailloux, aux flaques d’eau, aux escargots. Le monde, pour lui, était un immense terrain de jeu, une toile fragile faite de rires, de silences et de mystères. Tout semblait possible. Même voler, s’il fermait les yeux assez fort. Guy vivait dans un village de pêcheurs entouré de marais salants, qui chantaient, et de forêts pleines d’ombres douces. Là-bas, les enfants n’apprenaient pas seulement à lire, mais à rêver. À écouter les choses qui ne parlent pas. À respecter les secrets du monde. Mais un jour, quelque chose changea. Ce ne fut pas brutal. Pas un orage, ni un deuil. Juste une dissonance. Un jour d’automne, un homme revint au village. Un homme d’ailleurs, vêtu de gris, aux mains raides comme le métal. Il avait été enfant ici, jadis, puis il était parti ...

La nuit

La nuit tombait comme un manteau de velours sur la ville endormie. Les réverbères vacillaient, prisonniers d’une brume étrange qui semblait venue d’ailleurs. Dans son appartement silencieux, Guy referma le livre qu’il lisait depuis des heures. Ses paupières étaient lourdes, son souffle apaisé. Il éteignit la lampe, s’allongea sur le lit. Mais Guy le savait : la nuit n’était pas un simple refuge pour le corps fatigué. C’était un portail. Quand le sommeil l’envahit, quand ses muscles cessèrent de répondre, une lueur pâle s’éveilla au plus profond de son esprit. Lentement, imperceptiblement, une seconde existence s’arracha à la première. Dans l’obscurité totale de sa chambre, son esprit se détacha de son enveloppe charnelle. Une silhouette diaphane, auréolée d’un halo bleuâtre, flotta un instant au-dessus du lit. Puis, portée par une force ancienne, elle franchit les murs et se perdit dans l’obscurité de la ville. Guy entra dans le Nokturne, ce monde que seuls les voyageurs de l’esprit pe...

Le silence

La ville hurlait. Le jour, elle éructait sans pudeur. Sirènes, klaxons, marteaux-piqueurs, cris impatients aux feux rouges, conversations suspendues entre deux notifications. Tout s’entrechoquait. Une cacophonie moderne qui semblait ne jamais vouloir s’arrêter. Mais chaque soir, en rentrant chez moi, le Silence régnait en maître. Pas un silence simple, pas une absence de sons. Non. Un Silence vivant, palpable, presque doué de volonté. Dès que je refermais la porte de mon appartement, il s’installait comme une présence ancienne, lourde et dense. Le bruit du monde mourait à l’entrée, comme frappé d’interdit. Au début, je trouvais cela apaisant. J’en avais besoin, comme on a besoin d’eau après la poussière. Je m’asseyais sur le vieux fauteuil près de la fenêtre et j’écoutais… rien. Ou plutôt, j’écoutais lui. Ce silence qui n'était pas un vide mais un plein. Il enveloppait les murs, s’insinuait dans mes pensées, tamisait mes souvenirs. Mais peu à peu, j’ai compris qu’il ne s’agissait p...

La porte

Un matin, Valeria se réveilla avec cette sensation trouble que la nuit avait laissé une empreinte. Un frisson. Un battement décalé du réel. Tout semblait normal. Le plafond blanc, la lumière pâle filtrant par les rideaux, l’odeur familière de poussière tiède et de linge propre. Pourtant, elle savait que quelque chose avait changé. Ce n’était pas un rêve. Ce n’était pas non plus une pensée rationnelle. Plutôt une tension discrète dans l’air, comme un accord légèrement faux dans une mélodie bien connue. Elle se leva. Marcha jusqu’à la fenêtre. Les immeubles d’en face étaient là, les antennes dressées, les volets tirés. Mais la lumière… la lumière avait quelque chose d’anormal. Une couleur indéfinissable, entre le bleu et le gris, comme si le ciel lui-même hésitait à apparaître. Elle alluma la radio. Du silence. Elle prit son téléphone : écran noir. Aucun signal, ni son, ni mouvement. Un calme étrange flottait. Le genre de calme qui précède un événement, ou qui le suit de très près. Et pu...

Le joueur

Assis face à face, ils ne se regardaient pas. Leurs gestes étaient précis, dénués d’hésitation. Chaque mouvement était une prière muette, un pas vers une issue inéluctable. Il n’y aurait pas de match nul : c’était la seule règle que Louis avait comprise. Il le savait maintenant. Il ne pouvait pas gagner. L’adversaire était de taille. C’était Dieu. Du moins, une entité qui se tenait à la place qu’on donne à Dieu. Il n’avait ni visage ni voix, seulement une présence. Une ombre parfaite, sculptée dans le vide. Louis avait réclamé cette partie. Il ne se souvenait plus exactement quand. Peut-être une nuit d’orgueil, dans un bar vidé par la pluie, ou lors d’un tournoi gagné trop facilement. Il avait murmuré à voix haute, défiant le ciel invisible : Si tu existes, viens jouer. Montre-toi. Je veux te battre. Et quelque chose avait répondu. Il s’était réveillé dans une salle sans porte. Une pièce familière mais fausse, comme une copie rêvée du club d’échecs de son enfance. Le plateau l’attendai...

Le Passeur

La brume s’était épaissie peu avant l’aube, s’étalant sur les eaux comme une nappe de cendre. Le silence était si profond qu’on aurait pu croire le monde endormi pour de bon. Seule la respiration lente du fleuve rappelait que quelque chose, quelque part, continuait de vivre. Puis je le vis. La barque glissait sur l’eau, surgissant du néant comme un souvenir oublié. Elle avançait sans bruit, portée par un courant que je ne ressentais pas. À son bord se tenait le batelier. Grand, droit, enveloppé dans une cape sombre, il semblait faire corps avec l’embarcation. Ses gestes étaient lents, mesurés, comme dictés par une mémoire ancienne. Il maniait sa perche avec la gravité d’un prêtre officiant. La barque s’approcha de la berge où je me tenais, seul, pieds nus sur le sable froid. Elle pivota lentement, dans un demi-tour silencieux, et vint s’immobiliser à quelques centimètres de moi. Il n’y avait pas de chaîne, pas d’ancre. Rien ne la retenait, sinon la volonté du passeur. Je restai un inst...

Belleville sous Mer

Je m'appelle Christian, j'ai 30 ans, nous sommes en juillet 2525. Mon métier, installateur de bornes pour la téléportation. Je suis un peu anxieux aujourd'hui, car je suis convoqué aux sièges. Tout est austère ici, les murs holographiques empêchent de voir dans les autres pièces. Une porte s'ouvre, un homme pénètre dans la pièce. Il me demande de prendre place face à lui dans un fauteuil. Après m'avoir poliment salué, il rentre dans le vif du sujet. Christian, voilà quelques années que vous travaillez pour le consortium. Ne vous inquiétez pas, nous sommes satisfaits de vos services. Dans le cas présent, ce sont vos origines qui intéressent le consortium. Je fronce les sourcils, intrigué. Vos ancêtres sont bien originaires de l'ancienne île de Noirmoutier, jadis envahie par les flots, aujourd'hui reconstruite sur le même emplacement mais sous la mer. Je hoche la tête. Mon grand-père m'avait souvent parlé de cette terre disparue, de ses plages et de ses ma...

Belleville sous Mer , le Gois .

Belleville sous mer. Une île engloutie, mais encore vivante. Une respiration lente sous les couches de silice et de mémoire. Pendant cinq ans, Christian s’est acharné à faire battre ce cœur englouti. Il y croyait encore, même quand les autres s’étaient tus. Le projet Symbiose avait fait rêver. Fusionner espace physique et imaginaire, reconstruire des lieux perdus dans une réalité augmentée sensible, presque émotionnelle. Mais les résultats avaient cessé d’évoluer. Les algorithmes stagnaient. Les visiteurs devenaient rares. Le consortium avait classé le projet comme « non prioritaire ». Christian n’a pas protesté. Il s’est retiré doucement, comme on sort d’une pièce sans refermer la porte. Il a continué à travailler dans l’ombre, à explorer d’anciennes structures de code, à ouvrir des tiroirs que d’autres avaient oubliés. Moi, je l’ai regardé faire. D’abord de loin. Je posais des bornes. C’était mon travail, depuis toujours. Ancrer les points de téléportation. Nettoyer les interfaces. A...

Atlantia , la ville magique.

Les Atlantes passaient des jours paisibles dans la capitale. Sous les dômes de verre poli et les cascades suspendues, la vie rayonnait d’une splendeur oubliée par le reste du monde. Les rues pavées de pierres lumineuses serpentaient entre des tours élégantes, et partout résonnaient les chants anciens qui célébraient la grandeur d'Atlantia. La médecine avait fait d'immenses progrès. La plupart des maladies mortelles avaient été vaincues ; les épidémies appartenaient désormais aux légendes sombres d’un passé révolu. Les Atlantes vivaient de longues vies, préservées par des soins subtils, unissant savoir scientifique et magie ancienne. La technologie, quant à elle, ne cessait d’évoluer. Les machines, presque vivantes, aidaient les habitants à façonner la matière selon leur volonté. De vastes jardins flottaient dans les airs, des ponts liquides reliaient les quartiers, et les bibliothèques contenaient des archives du savoir universel. Atlantia semblait intouchable, bénie des dieux ...

Atlantia, le réveil

Pendant des siècles, Atlantia dormit. Enfouie sous les sables des abysses, dissimulée par des forêts de corail et des montagnes sous-marines, la cité magique sommeillait, intacte, protégée par les sortilèges tissés par ses habitants. Les océans eux-mêmes semblaient veiller sur elle, murmurant ses légendes aux marins téméraires. Le monde de la surface changea. Des empires naquirent et s'effondrèrent. Les hommes oublièrent jusqu’à l'existence des Atlantes. Seuls quelques rêves, quelques mythes anciens, parlaient encore d’une cité de cristal endormie sous les flots. Jusqu’au jour où Élina, une jeune exploratrice des mers profondes, guidée par des visions étranges et des rêves récurrents, entreprit la plus périlleuse des plongées. Elle n'était pas comme les autres. Depuis son enfance, elle entendait des voix dans l'eau, des chants qu'aucun autre humain ne semblait percevoir. Comme si l'océan lui-même l'appelait. Au fond d'une faille abyssale, au-delà de tout...

Le président et le miroir

Le président se tenait immobile devant son miroir, les mains appuyées sur le marbre froid du lavabo. Son reflet lui renvoyait l’image d’un homme épuisé, marqué par des années de pouvoir et de compromis. Ce soir, pourtant, aucun compromis n’était possible. Sur son bureau, dans la pièce adjacente, un dossier rouge attendait son verdict. Un simple ordre, et le monde basculerait dans une ère nouvelle, incertaine, peut-être chaotique. Il avait toujours su que son mandat l’amènerait à prendre des décisions difficiles, mais jamais il n’aurait imaginé celle-ci. Il fixa ses propres yeux dans le miroir. Était-il encore l’homme qu’il avait été avant d’endosser cette fonction ? Le doute s’insinuait en lui comme une ombre insidieuse. Il repensa à sa famille, à son peuple, aux innombrables inconnus qui, sans le savoir, reposaient entre ses mains. Un instant, il envisagea de ne rien faire, de rejeter ce fardeau, de laisser l’histoire suivre son cours sans y apposer son sceau. Mais c’était impossible....

L ' attrape - Rêves

La pluie tombait en fines aiguilles sur la ville, noyant les rues dans un voile de grisaille. Mathieu avançait d’un pas traînant, son long manteau rapiécé battant ses chevilles. Il fouillait les brocantes avec l’espoir d’y dénicher quelque chose d’intéressant, quelque chose qui vaudrait la peine d’être possédé, même pour un homme comme lui, à la marge du monde. Sur un stand bancal, entre des babioles sans valeur et des bibelots poussiéreux, un pendentif attira son regard. C’était un cercle de métal noirci, tissé d’un fil presque effiloché, et orné d’une petite pierre turquoise. L’objet avait l’air usé par le temps. — Cinq euros, annonça le brocanteur d’une voix lasse. Mathieu haussa les épaules et tendit un billet . Il n’avait aucune idée de pourquoi il l’achetait. Peut-être parce qu’il trouvait l’objet étrange, peut-être parce qu’il avait besoin d’un porte-bonheur. Il passa la chaîne autour de son cou et s’éloigna sans un mot. --- Ce fut la nuit suivante que tout commença. Mathieu dor...