Effroi
La ville vivait dans la certitude de son calme. Les jours y suivaient un rythme régulier, rassurant, fait de gestes répétés, de rencontres familières, d’un quotidien qui paraissait inébranlable. Les images de guerre que montraient les écrans semblaient lointaines, presque irréelles. On les regardait comme on observe une tempête de l’autre côté d’une vitre : avec compassion, peut-être, mais sans crainte véritable.
Et puis vint la nuit où tout bascula.
À l’heure où les lumières s’éteignent, où les familles se replient dans leurs foyers, un grondement se fit entendre. D’abord discret, semblable à un orage. Mais il grossit, se transforma en rugissement, et bientôt les sirènes hurlèrent. C’était un son que personne n’avait jamais entendu ici.
Le ciel s’illumina.
Le souffle fut brutal.
Le sol trembla comme s’il s’ouvrait.
En un instant, la ville fut déchirée par plusieurs explosions. Les murs éclatèrent, les toits s’effondrèrent, les vitres se changèrent en éclats meurtriers. La nuit paisible devint une fournaise.
On cria, on courut, on chercha des abris qui n’existaient pas. Des corps furent projetés, d’autres ensevelis. Les flammes montaient, les poussières obscurcissaient l’air, et partout résonnaient les appels désespérés. Ce qui avait été une existence tranquille se transformait en chaos absolu.
Nul ne comprenait. Pourquoi cette ville ? Elle n’avait ni richesse, ni importance stratégique, ni symbole particulier. Pourtant, elle venait d’être frappée comme les autres que l’on voyait aux journaux, celles que l’on croyait trop éloignées pour nous concerner.
La nuit sembla interminable. Dans l’obscurité, les survivants se tenaient immobiles, redoutant que d’autres explosions surviennent. Le silence, lorsqu’il revenait, était plus insupportable encore que le fracas. On devinait derrière chaque instant une menace prête à s’abattre de nouveau.
Au matin, la ville n’était plus qu’un amas de cendres et de pierres disloquées. Des vies avaient disparu, d’autres s’étaient brisées. Les informations, ailleurs, ne parleraient que de frappes ciblées ou d’incident militaire. Des mots froids, distants, incapables de dire la vérité vécue.
Et pourtant, il n’y avait rien d’exceptionnel dans cette cité. Elle aurait pu être n’importe quelle autre : une petite ville tranquille, une communauté ordinaire, un lieu convaincu que le monde extérieur n’atteindrait jamais ses murs invisibles.
Cette nuit-là, ce n’est pas seulement une ville qui a été détruite.
C’est l’illusion universelle que certaines terres, certains peuples, certains foyers peuvent être , à l’abri de l’effroi.
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