Vous avez dit, Lutins



Souvent, l’hiver, au coin du feu, ma grand-mère me racontait des histoires. Je les adorais, même si elles me donnaient des frissons. Elle parlait de sorcières cachées dans les marais salants, de silhouettes errantes sur le passage du Gois… et surtout, de lutins. Ces petits êtres malicieux vivaient, selon elle, tout au bout de l’île de Noirmoutier, là où la mer protège ses secrets.


Parmi toutes ses histoires, celle du rocher de L’Herbaudière me fascinait le plus.

Elle affirmait que sous ce bloc de granit, battu sans répit par les vagues, se cachait la porte du monde des lutins. Elle disait les avoir vus, une nuit où la lune éclairait la côte comme un phare : de petites silhouettes dansant au bord de l’eau, rapides et joyeuses.


Dans mon lit d’enfant, j’avais du mal à m’endormir après ça. Je retenais mon souffle, pensant qu’un lutin pourrait surgir de l’ombre.


Les années ont passé. L’âge adulte m’a appris à ranger les mystères dans des boîtes fermées, à appeler « imagination » ce qui faisait palpiter mon cœur. Et pourtant… aujourd’hui me voilà revenu ici, sur l’île.


Le vent marin s’insinue partout.

Les voiliers se balancent au port, cliquetant comme des rires de métal.

Les marais, étendus en miroirs, reflètent le ciel avec une douceur presque irréelle.


Je marche vers la pointe, jusqu’au fameux rocher.

Je souris : quel drôle d’enfant j’étais.


Je pose ma main sur la pierre humide et granuleuse.

À cet instant, un léger toc résonne.

Je me fige, le souffle coupé.

Le bruit revient, discret mais clair, comme une minuscule réponse.


Une petite pierre roule ensuite jusqu’à mes pieds.

Parfaitement lisse.

Marquée d’une spirale entourée de petits points, comme une danse gravée dans le sel.


Je la ramasse. Elle est étonnamment tiède.


Et je me souviens du regard malicieux de ma grand-mère lorsqu’elle disait :

— Ceux qui n’y croient plus se privent d’un monde merveilleux…


Je reste là, immobile, face à l’océan.

Je ne vois rien bouger, et pourtant tout semble veiller.

Le rocher, le vent, la mer… comme si l’île elle-même me regardait.


Je glisse la pierre dans ma poche.

Je comprends alors quelque chose d’essentiel :

Les histoires ne survivent que si l’on continue de les chuchoter.


Je ne sais pas si les lutins existent vraiment.

Mais je sais que, plus tard, mes enfants viendront peut-être ici, à leur tour, écouter le vent .

Et alors , qui sait ?   Peut-être qu’un petit rire leur parviendra, porté par l’écume.


Je jette un dernier regard au rocher.


— Merci pour le souvenir…, dis-je en souriant.


Même si les lutins ne sont qu’une légende, il y aura toujours quelqu’un pour raconter l’histoire… et quelqu’un d’autre pour s’en émerveiller.


Et vous, qu’en pensez-vous ?

Vous avez dit… Lutins ?



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