L' aventure ne s' arrête pas là



Allumer la télévision, en 2026, est devenu un geste lourd de conséquences. Chaque bulletin d’information apportait son lot de drames : crises politiques, menaces de guerre, catastrophes environnementales… La peur semblait ronger la planète sans relâche.


À La Guérinière, sur l’île de Noirmoutier, Guy vivait seul dans une modeste maison tournée vers la mer. À soixante-onze ans, il aimait encore marcher le long des dunes pour respirer. Sur un petit meuble, un cadre accueillait la photo de ses deux filles, enfants. Elles avaient pris leur envol depuis longtemps, avec des contacts espacés mais réconfortants, de temps à autre.


Guy étouffa un soupir et éteignit la télévision.


— Ils finiront par nous rendre fous avec leurs prédictions de malheur…


Il enfila sa veste et sortit. Le vent marin, d’ordinaire apaisant, portait ce matin-là une tension mystérieuse. Il longea la plage, ses pas s’enfonçant dans le sable encore humide de la nuit.


C’est alors que le ciel changea.


Une lueur étrange, métallique, zébra la voûte céleste, comme si une cicatrice lumineuse s’y ouvrait d’un seul coup. Un grondement secoua l’air. Les sirènes retentirent sur l’île, un cri strident déchirant la tranquillité des lieux.


Guy se retourna brusquement.

Le pont de Noirmoutier explosa dans un fracas assourdissant.

Une boule de feu monta dans l’air.


Les maisons de La Guérinière s’embrasèrent une à une, avec une violence inouïe.

Les dunes brûlaient comme de la paille sèche.

La mer elle-même semblait trembler sous les chocs successifs.


Une vague de chaleur écrasa Guy au sol.

Le ciel rougeoyait, avalé par la guerre.

Plus de fuite. Plus de salut.


Il voulut appeler à l’aide, mais sa voix mourut dans le vacarme.

Il pensa brièvement à ses filles, à leurs sourires lointains.

Puis, tout disparut dans une lumière aveuglante.




Guy se réveilla en sursaut.


Il était dans son fauteuil.

La télévision diffusait toujours les informations, mais sans sirènes, ni flammes, ni destruction.

La mer, derrière la fenêtre, continuait d’avancer et de reculer en toute simplicité.


Il resta un moment immobile, le cœur affolé.

Ce n’était qu’un cauchemar.

Pourtant… si réel.


Il se leva, ouvrit sa porte et laissa la brise lui fouetter le visage.

Un enfant riait en faisant voler un cerf-volant.

Un couple promenait son chien le long du rivage.


La vie tenait bon.


Guy comprit alors que son rêve n’était pas seulement la projection de ses peurs.

C’était un avertissement.

Le monde n’était pas encore condamné tant que les humains refusaient de s’y résigner.


Il observa l’horizon.

Les premières barques de pêche revenaient au port.

Les marins échangeaient des gestes amicaux. 


Chaque geste comptait.

Chaque sourire résistait.

Chaque pas vers l’autre repoussait un peu plus la noirceur.


Guy inspira profondément, puis murmura, comme une promesse :


— L’aventure ne s’arrête pas là.



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