Crépuscule
Lorsque l’heure du crépuscule sonne dans une vie, tout s’apaise.
Le tumulte des jours, les éclats de voix, les battements précipités du cœur , tout semble s’éloigner, comme si le monde, soudain, retenait sa respiration.
Entre le jour qui s’éteint et la nuit qui s’annonce, il n’y a plus de certitude, seulement une brume où se mêlent la mémoire et le rêve.
Je regarde en arrière.
Il y a tant de pas derrière moi, tant de chemins empruntés, tant d’autres ignorés.
Le passé s’étend comme une plaine silencieuse où chaque pierre porte le poids d’une décision.
Ce qui a été fait ne peut plus être défait.
Les heures, une fois vécues, se cristallisent en destin.
Et moi, humble voyageur du temps, je me surprends à compter mes erreurs, à mesurer mes absences, à caresser du bout des doigts les cicatrices de ce que j’ai manqué.
Le crépuscule, c’est ce moment où l’on comprend que le passé n’appartient plus à personne.
Il devient un pays que nul ne peut visiter sans se perdre.
On peut y revenir par la pensée, mais jamais y demeurer.
Et pourtant, combien d’âmes s’y accrochent, cherchant à ranimer la flamme d’un instant disparu, à réécrire une parole, à retenir un sourire qui s’est éteint trop tôt.
Mais le temps, lui, n’écoute pas.
Le temps continue, indifférent et majestueux, à tracer sa route vers ce qui est déjà inscrit sur l’horizon.
Il ne se retourne pas, il ne compatit pas.
Il déroule son fil, et ce fil, c’est la vie.
Alors, dans cette lumière mourante, je m’arrête.
Je ferme les yeux, et je rêve.
Un rêve fou, insensé : que le sablier cesse de s’écouler, que la roue des heures se brise.
Je rêve d’un instant figé, d’un battement d’aile suspendu dans l’éternité.
Et dans ce silence, je murmure :
« Si le temps s’arrêtait ici, maintenant… pourrais-je enfin changer ce qui vient ? »
Mais la réponse se perd dans l’air qui se refroidit.
Le crépuscule n’écoute que lui-même.
Sa musique est douce, presque imperceptible, comme le soupir d’une mer lointaine.
Il me rappelle que la vie n’est pas une ligne droite mais une onde , un souffle qui va, qui revient, qui s’efface.
Rien ne s’arrête vraiment, rien ne commence tout à fait.
Tout se transforme.
Le ciel, lentement, s’embrase d’ocre et de pourpre.
Chaque nuance semble un souvenir, chaque éclat, un adieu.
Puis la lumière décroît, comme une lampe qu’on éteint doucement pour ne pas troubler le sommeil du monde.
C’est alors que le mot apparaît, discret, sur la ligne de l’horizon : Fin.
Mais cette fin n’est pas une clôture.
C' est une porte entrouverte.
Car après le crépuscule vient la nuit, et dans la nuit sommeille déjà le germe du jour nouveau.
Ainsi va le temps , inflexible, circulaire, infini.
Et nous, êtres éphémères, tentons de lui donner un sens, un nom, une raison d’être.
Alors je souris dans la pénombre.
Je comprends que le crépuscule n’est pas le deuil de la lumière, mais son passage.
Il faut savoir dire adieu sans peur, et tendre la main vers l’inconnu.
Le temps ne s’arrête pas.
Il continue, toujours, vers l’horizon où s’écrit, à chaque battement du monde, le commencement d’une autre histoire.
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