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Affichage des articles du août, 2025

Le caillou

Seul, face à l’océan, je laissais mes pensées s’envoler comme des oiseaux marins, libres de se perdre dans l’horizon. Devant moi, le Pacifique déployait ses forces, agité, bruyant, presque furieux. Il portait bien mal son nom aujourd’hui. Rien de pacifique dans ses grondements, rien d’apaisé dans ses vagues qui se brisaient contre la barrière de corail, immense et fragile à la fois. La Nouvelle-Calédonie… Ce « gros caillou » m’avait donné tant de visages, tant de paysages. Je n’oublierai jamais la baie des Citrons, où les soirs s’embrasent de lumières et de rires, ni l’Anse Vata, miroir mouvant des cerfs-volants dans le ciel. Le Cœur de Voh, vu d’en haut, m’avait un jour coupé le souffle, comme si la terre elle-même m’offrait une déclaration d’amour gravée dans son écrin de mangroves. Sur l’île des Pins, j’avais marché entre les pins colonnaires, gardiens immobiles dressés vers le ciel, tandis que l’eau translucide me rappelait qu’il existait des paradis encore préservés. Et plus loin,...

Effroi

La ville vivait dans la certitude de son calme. Les jours y suivaient un rythme régulier, rassurant, fait de gestes répétés, de rencontres familières, d’un quotidien qui paraissait inébranlable. Les images de guerre que montraient les écrans semblaient lointaines, presque irréelles. On les regardait comme on observe une tempête de l’autre côté d’une vitre : avec compassion, peut-être, mais sans crainte véritable. Et puis vint la nuit où tout bascula. À l’heure où les lumières s’éteignent, où les familles se replient dans leurs foyers, un grondement se fit entendre. D’abord discret, semblable à un orage. Mais il grossit, se transforma en rugissement, et bientôt les sirènes hurlèrent. C’était un son que personne n’avait jamais entendu ici. Le ciel s’illumina. Le souffle fut brutal. Le sol trembla comme s’il s’ouvrait. En un instant, la ville fut déchirée par plusieurs explosions. Les murs éclatèrent, les toits s’effondrèrent, les vitres se changèrent en éclats meurtriers. La nuit paisibl...

La république des micros

Dans ce pays, on ne votait plus depuis longtemps. Les élections avaient été jugées trop lentes, trop incertaines. Désormais, l’avenir de la nation se décidait chaque soir, en direct, sur les plateaux des chaînes d’info en continu. Le pouvoir était détenu par une caste redoutée : les journalistes-stars, ceux dont le visage apparaissait plus souvent que celui des saints sur les vitraux. On les appelait les Oracles du Prime Time. Leurs éditoriaux n’étaient pas des opinions, mais des décrets. L’éditorialiste économique pouvait, d’un haussement de sourcil, déclencher une récession. Un graphique mal expliqué suffisait à décider du prix du pain le lendemain. La chroniqueuse santé annonçait en direct la durée légale de sommeil, le nombre de cafés autorisés par jour, et fixait les amendes pour excès de bâillements. Le commentateur politique, spécialiste du ton grave et de la mine sévère, faisait et défaisait les carrières en une phrase : « Cet homme est fini », disait-il , et aussitôt l’intéres...

La bourse ou la vie

Au sommet d’une montagne vivaient les Lunatix, peuple riche et arrogant. Dans la vallée grouillaient les Cradox, peuple nombreux, bruyant et pauvre. Les Lunatix possédaient tout : l’or, les lois, et jusqu’au pouvoir de dire ce qui avait du prix. Les Cradox possédaient peu, mais réclamaient beaucoup. Chaque fois qu’on leur lançait un os à ronger, ils se battaient pour savoir qui en aurait la plus grosse miette, puis revenaient supplier qu’on leur en jette un autre. Les Lunatix, las de ces jérémiades, tentèrent jadis de régler le problème par les guerres. On arma les Cradox, on les lança les uns contre les autres : on fit couler des torrents de sang. Mais les Cradox, obstinés, renaissaient toujours plus nombreux, comme si la misère les engraissait. Alors, les Lunatix inventèrent une trouvaille plus subtile : la Bourse. Un temple invisible où l’on n’adorait ni dieux ni idoles, mais de simples chiffres dansants. On promit aux Cradox qu’ici-bas, chacun pouvait devenir riche, à condition de ...

Cœurs Vendéens , l' éxécution

Lentement, le soleil se couchait derrière les tours du château de Noirmoutier. Une lumière rousse glissait le long des vieilles pierres, caressant les toits du bourg et les pavés de la place d’armes. Dans les profondeurs du donjon, nous attendions. Enchaînés, meurtris, amaigris. Mes compagnons de misère et moi savions que l’aube serait la dernière. Nous étions le 3 janvier 1794. Demain, on nous exécuterait devant les murs mêmes de cette forteresse qui, jadis, protégeait l’île des pirates et des tempêtes. Moi, je m’appelle Alphonse. J’ai vu le jour à Barbâtre, entre les dunes et les marais. Mon père extrayait le sel, ma mère ramendait les filets avec les épouses des autres pêcheurs sur le port. Quand la guerre a déchiré la Vendée, j’ai pris les armes. Par fidélité. Par instinct. J’ai marché sous la bannière blanche, avec les gars de l’île, et j’ai combattu jusqu’à Noirmoutier. Jusqu’à cette geôle. Mais ce soir, dans cette cellule froide où l’air sent l’algue et la rouille, je ne pense n...

Cœurs Vendéens , le coquillage

Vingt années avaient passé depuis l’hiver sanglant de 1794. La mémoire des guerres s’était estompée, mais dans certaines veines, les plaies demeurent ouvertes. Alphonse, lui, portait toujours au fond de sa poitrine ce vide que ni les saisons ni les voyages n’avaient comblé. Il avait fui Noirmoutier par une nuit d’embruns, serrant contre lui le petit coquillage en forme de cœur, cadeau d’Élise. Sous les filets trempés de la barque de Pierre, il avait senti chaque battement de son cœur résonner comme un glas. L’île s’était éloignée dans la brume, et avec elle l’image de son amour perdu. Exilé d’abord à Nantes, puis à Bordeaux, il s’était fait marin de fortune. Les ports du Portugal, de l’Angleterre et des colonies lui avaient offert du pain, du travail, parfois même un semblant de fraternité. Mais jamais l’oubli. Chaque fois que sa main effleurait le coquillage, le visage d’Élise renaissait dans ses songes. En ce printemps 1814, alors que la France vacillait entre Empire déchu et retour ...

Cœurs Vendéens , la résistance

Printemps 1816. Sur l’île de Noirmoutier, les marais salants brillaient sous le soleil. Les pêcheurs ramendaient leurs filets sur le port de l’Herbaudière, les paysans guidaient leurs bœufs entre les champs de seigle et de blé noir. Mais derrière ce tableau de quiétude, la mémoire demeurait vive. Vingt ans plus tôt, l’île avait été marquée par le sang et le feu. Chacun se souvenait encore du général d’Elbée, fusillé sur la place, des églises incendiées, des familles dispersées par la fureur des colonnes infernales. Et même si le Roi était revenu sur son trône, la paix restait fragile. La France sortait à peine de la tourmente des Cent-Jours, et des agents bonapartistes rôdaient encore, prêts à rallumer la flamme des révoltes. Alphonse et Élise, eux, approchaient de la cinquantaine. Ils s’étaient retrouvés après tant d’années de séparation, marqués par les deuils et les privations. Leur amour, pourtant, n’avait pas faibli ; il s’était au contraire affermi. Ce printemps-là, ils décidèren...

Un autre monde

Il existe sur Terre des endroits où les cartes ne disent pas tout, où la géographie elle-même semble se dérober sous nos certitudes. On les traverse sans comprendre, mais on en sort avec la sensation d’avoir franchi quelque chose d’invisible. Les anciens parlaient de lieux sacrés, les voyageurs modernes de phénomènes inexpliqués. D’autres, plus secrets, les appellent encore aujourd’hui : les passages. Julien s’était passionné pour ces mystères. Depuis l’adolescence, il collectionnait les témoignages d’événements étranges : des coupures de presse jaunies, des notes griffonnées sur des forums obscurs, des récits qu’on ne raconte qu’à voix basse. Parmi eux, un l’avait marqué plus que les autres : les évènements du Nullarbor, en Australie. Dans ce désert immense, des dizaines de témoins affirmaient avoir vu surgir, la nuit, de mystérieuses lumières dansantes. Parfois lointaines, parfois si proches qu’elles semblaient palpables, elles glissaient au-dessus du sol sans projeter d’ombre. Certa...

Sous l'onde

Ce nouveau moment semblait propice à toutes les découvertes. Les courants portaient des messages d’une clarté inhabituelle, comme si la mer, dans un rare élan, m’invitait à quitter mon domaine familier. Mais je n’oubliais pas les mots de l’Ancienne : — Calme tes instincts d’explorateur. Le dessus est un désert cruel. Je n’ai jamais vu le dessus autrement que dans les reflets brisés de la surface. Le peuple qui l’habite est sec, dur, armé de machines qui ne respirent pas. Ils n’entendent rien aux murmures des eaux. Moi, je suis né au creux de la grande barrière de corail, parmi les tours vivantes et les arches colorées où chaque pierre, chaque anémone, à sa voix. J’ai appris à parler le langage des flux, à sentir le pouls des marées, à plier les vibrations comme d’autres plient le métal. La synergie de l’onde est mon art. Je peux transformer un murmure en cri, une caresse en raz-de-marée. Aujourd’hui, l’eau tremblait d’une manière étrangère. Pas le frisson chaud des bancs de poissons, n...

Le détour

Les bagages étaient prêts depuis l’aube. Guy, pourtant, traînait. Il ajustait les sangles des valises, vérifiait les fermetures éclair, comme si ces gestes anodins pouvaient retarder l’inévitable. Claire l’attendait près du coffre. Immobile, les bras croisés, elle observait la route avec un calme étrange. — On y va ? demanda-t-elle. Il hocha la tête. Le moteur démarra et, bientôt, le village disparut derrière eux. Les champs, les haies, les bosquets défilaient, familiers. Puis les panneaux changèrent. Les noms lui étaient inconnus : Bois du Silence, Ravin des Ombres, Col des Murmures. — On ne prend pas la bonne route, dit-il. — C’est la bonne, répondit simplement Claire. Il ne répliqua pas. Peut-être avait-elle trouvé un raccourci. Mais la route semblait se rétrécir, les arbres se courber vers eux, leurs branches figées malgré le vent. Les couleurs du paysage paraissaient plus vives, presque artificielles. Sur le GPS, plus aucun nom, juste des coordonnées défilant trop vite. La route s...

Les chemins de la vie

Assis sur le banc du jardin, je laissais le soleil couchant glisser sur mon visage comme une caresse d’adieu. L’air portait l’odeur des feuilles mortes, parfum discret qui rappelle que tout finit un jour. Dans ces moments où la lumière baisse et où le silence s’épaissit, la question revenait, inévitable : Comment aurait été ma vie, si j’avais fait les choses autrement ? J’avais vécu… oui. Mais avais-je vraiment vécu la vie que j’avais souhaitée ? Les souvenirs défilaient comme un vieux film aux images tremblantes : la main que je n’avais pas osé retenir, la lettre restée inachevée, l’occasion laissée filer par crainte ou par lassitude. Chaque choix avait tracé un chemin, et je l’avais suivi sans me retourner. Ce soir-là pourtant, quelque chose troubla la quiétude du jardin. Une lueur apparut derrière le vieux pommier, faible d’abord, puis plus vive, comme un souffle qui palpite dans l’ombre. Intrigué, je me suis approché. Là, flottant à quelques centimètres du sol, se dressait une form...

Les ondes d' Aldébaran

Le son avait traversé toutes les couches sous-marines, depuis les abysses silencieux jusqu’aux failles invisibles de la croûte océanique. Il s'était glissé dans les sillons de la terre-mère, avait dansé autour des cheminées hydrothermales, frôlé les coques englouties, et poursuivi sa route à travers les grandes dorsales planétaires. Une modulation spéciale avait été composée. C'était un souffle ancien et neuf, un chant fabriqué à partir de vibrations fossiles, de langues oubliées, et de fréquences nées des pressions extrêmes. Une œuvre collective de nos bio-acousticiens, chantée par les grands organes des baleines métalliques et les arches vocales de nos cathédrales coralliennes. Notre peuple vivait loin des regards, loin de la surface et de ses certitudes. Nous avions appris à lire le monde dans ses résonances, à entendre dans les ondes ce que d'autres cherchaient dans la lumière. Tandis que les peuples aériens envoyaient des messages hertziens vers le ciel, persuadés que ...

Rouge matin

Le ciel, ce matin-là, était d’un rouge éclatant. Une lumière dense, saturée, vibrante. Les humains, s’ils levaient les yeux, y voyaient un simple phénomène atmosphérique. Un spectacle. Mais nous, nous savions. Ce n’était pas une aurore. C’était un seuil. Depuis plusieurs cycles, notre réseau profond avait intercepté un signal , ou plutôt une présence vibratoire. Il ne venait ni d’une étoile, ni d’un astre, ni d’aucun point répertorié de l’univers. Il venait d’un interstice. D’un entre-monde. D’un lieu où matière et mémoire se confondent. Le signal était vivant. Nous avions observé en silence. Attendu. Analysé. Les humains n’avaient rien perçu. Leurs technologies étaient trop brutales, trop bruyantes. Ils n’entendent que ce qu’ils crient. Mais nous, enfants des abysses, avions été façonnés pour écouter. Nous portions en nous l’écho des grands fonds, la mémoire des marées premières. Ce monde, qu’ils croient leur appartenir, nous traverse depuis des millions d’années. Et ce matin, la mer ...

La symphonie des marées

Comme un orchestre qui accorde ses instruments avant la première note, tout se préparait dans un silence rythmé. Le vent posait ses doigts sur les cordes du large, les coques des bateaux vibraient à peine, les bottes glissaient sur le quai dans un frottement feutré. Les voix étaient basses, les gestes précis. Chacun à sa place, comme un musicien dans la fosse. La marée allait baisser, et avec elle, la partition du jour commencerait. Les saisons passaient ici sans faire de bruit. On ne les sentait pas comme en ville, où les vitrines changent, où les horaires s’allongent à l’approche de Noël. Ici, c’est la mer qui décide. Les marées dictent nos journées, comme une horloge étrange qui avance et recule deux fois par jour. Depuis quelques mois, je fais partie de l’équipe. Pas à temps plein, je suis encore au lycée, mais dès que je peux, je viens. J’y trouve quelque chose que je ne trouve nulle part ailleurs. Et aujourd’hui, c’était une marée d’après-midi. Ma préférée. On mange à midi, on di...

Le chemin fantastique

Mon cartable à la main, je descendais, comme chaque matin, le petit chemin de sable qui me menait à l’école. Mais en réalité, je partais ailleurs. Ce sentier, à peine tracé entre les maisons et les dunes, s’ouvrait pour moi sur un monde invisible aux adultes. Les arbres bordant le chemin n’étaient pas que des arbres. Ils formaient une armée silencieuse, de grands êtres dressés vers le ciel, figés comme dans l’attente d’un secret. Leur murmure, quand le vent passait entre leurs branches, me parlait. C’était une langue que je ne comprenais pas encore, mais que je sentais familière, presque rassurante. À leur ombre, je devenais un autre. Je n’étais plus l’écolier du matin pressé, mais un messager du royaume caché. Chaque pas était un début d’aventure. Chaque craquement de brindille, une alerte. Je faisais attention à tout. Je longeais les troncs avec prudence, persuadé qu’ils me suivaient du regard, qu’ils me testaient. Parfois, je m’imaginais que certains d’entre eux étaient plus anciens...

La magie des mots

Il existe un lieu que l’on ne trouve sur aucune carte. Un espace suspendu entre souffle et silence, entre l’encre invisible des songes et les battements lents du monde. Là, les mots naissent. Non pas écrits, ni parlés , mais ressentis. Ils flottent comme des poussières d’étoiles, légers ou lourds selon ce qu’ils portent. Dans ce royaume de l’imaginaire, chaque mot possède une vibration. Certains chantent comme des sources claires, d'autres résonnent comme le tonnerre dans un désert vide. Il y a des mots-fleurs qui éclosent dans la lumière, et des mots-pierres qui coulent vers l’oubli. Certains mots, depuis toujours, alourdissent l'air. Ils s'accrochent aux nuages, obscurcissent les jours, fanent les paysages. Ils ne crient pas, mais pèsent. Ce sont ceux qui enferment, qui referment, qui éteignent. Alors, un souffle ancien, venu de l’intérieur du monde, décida de les faire taire. Non pas par violence, mais par douceur. Il les enveloppa dans un cocon de silence, les laissa s...

Pas de vagues

Nous le savions. Depuis toujours, en réalité. Nous n’avons jamais eu besoin de fouiller leurs archives ou d’épier leurs communications pour le comprendre : ils commençaient à entrevoir ce qu’ils n’auraient jamais dû soupçonner. Lentement, avec maladresse, ils grattaient la surface d’un monde qui n’était pas le leur. Ils , les humains de la surface , occupaient à peine trente pour cent de la planète. Une frange fragile de terre, sillonnée de frontières artificielles, rongée par leurs guerres, leurs crises et leurs illusions de maîtrise. Le reste… le reste, c’était nous. Soixante-dix pour cent. Enfin… soixante-cinq, pour être honnête. Nous avions laissé les cinq autres. Une marge de tolérance, un leurre. Les scientifiques de la surface en avaient fait leur terrain de jeu : les dorsales océaniques, les fosses, les abysses , autant de noms sur des cartes incomplètes. Ils multipliaient les missions d’exploration, déposaient leurs sondes, lançaient leurs drones. Et toujours, ils revenaient a...

Steelband

L’ambiance était chaude, moite. Une chaleur dense qui collait à la peau et sentait le sable, le rhum, et les fleurs fanées. Le ciel dehors était noir d’encre, piqué d’étoiles. J’étais là, sur cette île tropicale, et je mesurais la chance que j’avais de m’y trouver. Il y a des instants comme ça, où l’on sait qu’on est exactement à sa place. La salle était ouverte sur la nuit, une grande paillotte aux poutres de bois brut. Des lanternes suspendues bougeaient doucement dans l’air tiède. Les conversations allaient bon train, des rires s’élevaient par vagues, des verres tintaient. Une musique légère sortait d’un vieux poste posé sur une étagère, mais personne n’y faisait attention. Au fond de la salle, il y avait une estrade, simple, un peu surélevée. Dessus, on avait posé des barils de pétrole à l’envers. Ils étaient bien rangés, de tailles différentes. Je n’y avais pas vraiment prêté attention en arrivant. Je pensais que c’était du décor, ou du matériel entreposé là par hasard. Rien ne la...

Conquêtes

Les ressemblances avec des personnes existantes sont accidentelles. Ou prophétiques … Le jeu avait tourné en boucle toute la nuit. Pas un petit jeu de stratégie pour scouts en mal de pouvoir, non. Un simulateur géopolitique avancé. Ultra-réaliste. Ultra-addictif. Ultra-destructeur . Grâce à un savant dosage de cyber-ruse et d’arrogance bien tempérée, j’avais annexé la moitié d’un pays voisin. Sans armée, sans débat parlementaire, sans sourciller. Un chef-d’œuvre de conquête par glissement progressif. Un peu comme une infiltration virale. Mais avec des drapeaux. La partie nord était tombée, nette et sans bavure. Elle m’appartenait désormais, au nom de la stabilité, de l’ordre, et d’une ambition personnelle que je préférais appeler vision stratégique transnationale (plus chic que “caprice de gamer”). Quant à l’autre moitié du pays, ce ramassis de villages mal alignés et de citoyens opiniâtres, j’avais trouvé la solution : des droits de douane si élevés qu’ils ne pourraient même plus impo...