Infinie mélodie
Le cahier repose sur mes genoux, ouvert, vierge. Le crayon attend. Moi aussi.
Je suis venu ici sans idée précise. Juste l’envie de m’asseoir face à la mer et d’écouter. Parce que parfois, quand je n’ai plus les mots, c’est la musique qui me parle.
Le souffle du vent est le premier à me rejoindre. Il glisse sur ma joue comme une main amie. Il ne dit rien de clair, juste une présence. Un frisson. Peut-être une promesse. Alors je trace un trait, une ligne simple. Une note posée, comme une voix qui commence à chanter, doucement.
La mer s’approche, discrète. Elle avance, recule, avance encore, comme si elle n’osait pas me déranger. Pourtant, c’est elle qui me guide. Elle me donne le rythme. Pas une cadence rigide, non. Plutôt un balancement naturel, comme celui d’un cœur apaisé. Elle me rappelle que tout revient, que rien ne reste figé. Qu’une mélodie peut naître d’un seul souffle répété.
Je note. Des sons lents, espacés. Comme des pas sur le sable.
Le cri d’un oiseau traverse le ciel. Il fend l’air comme une flèche. Je lève les yeux, surpris. Il n’y a qu’une note, mais elle est pleine, claire, indispensable. Elle change tout. Elle me dit que même le silence a besoin de contraste pour exister. Que la beauté, parfois, naît d’un choc.
Je l’écris, cette note unique, au centre de la page. Elle deviendra un repère.
Je regarde autour de moi. Rien ne bouge vraiment. Et pourtant, tout vit. Le monde respire en musique. Les petites vagues qui caressent les rochers forment un motif répétitif, presque timide. Les voix lointaines de promeneurs s’éteignent vite, comme un chœur qui s’efface. Une feuille sèche roule près de moi , elle n’a l’air de rien, mais son frottement ajoute quelque chose. Un soupir, peut-être.
Alors je continue. Je n’essaie pas de faire joli. Je veux juste être juste.
Ma main trace des signes qui ne viennent pas de moi, mais de tout ce qui m’entoure. Je ne contrôle rien. J’écoute. Et quand je m’arrête d’écrire, ce n’est pas la fin : c’est juste que la musique continue ailleurs, hors du cahier. Elle n’a pas besoin d’être écrite pour exister. Elle vit dans le vent, dans les pierres, dans la lumière qui décline.
Je ferme les yeux. Je ne suis plus seul. Je suis une oreille posée sur le monde.
Et je comprends : la mélodie n’a ni début ni fin. Elle m’a précédé, elle me suivra. Je ne fais que la traverser un instant, comme une barque portée par le courant.
Quand je rouvre les yeux, le ciel est devenu cuivre. Le soleil touche la mer. Je me lève, mon cahier sous le bras. Je n’ai pas terminé la page, mais ce n’est pas grave.
Parce que cette musique-là n’a pas besoin de conclusion.
Elle continue, partout, tout le temps.
Et tant que j’écouterai, je saurai comment l’écrire.
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