La porte



Un matin, Valeria se réveilla avec cette sensation trouble que la nuit avait laissé une empreinte. Un frisson. Un battement décalé du réel.

Tout semblait normal. Le plafond blanc, la lumière pâle filtrant par les rideaux, l’odeur familière de poussière tiède et de linge propre. Pourtant, elle savait que quelque chose avait changé.


Ce n’était pas un rêve. Ce n’était pas non plus une pensée rationnelle. Plutôt une tension discrète dans l’air, comme un accord légèrement faux dans une mélodie bien connue.

Elle se leva. Marcha jusqu’à la fenêtre. Les immeubles d’en face étaient là, les antennes dressées, les volets tirés. Mais la lumière… la lumière avait quelque chose d’anormal. Une couleur indéfinissable, entre le bleu et le gris, comme si le ciel lui-même hésitait à apparaître.


Elle alluma la radio. Du silence. Elle prit son téléphone : écran noir. Aucun signal, ni son, ni mouvement.


Un calme étrange flottait. Le genre de calme qui précède un événement, ou qui le suit de très près.


Et puis elle la vit.


La porte.


Dans le couloir, au bout d’un mur qui, elle en était sûre, avait toujours été nu. Une porte haute, ancienne, au bois sombre et gravé de motifs qu’elle ne reconnaissait pas. Une porte qu’elle n’avait jamais ouverte et dont elle n’aurait pas pu jurer, l’instant d’avant, qu’elle avait existé.


Elle s’en approcha. Doucement. Son cœur battait trop vite, sa peau picotait comme si l’air lui-même était devenu électrique.


La poignée était froide, lourde. Valeria hésita. Mais quelque chose en elle poussait. Ce n’était pas de la curiosité. C’était plus profond. Comme si toute sa vie l’avait menée à cet instant précis.


Elle tourna la poignée.


Un souffle. Puis l’ouverture.


Derrière, rien qui ressemblait à son monde. Une forêt immense s’étendait, mais les arbres étaient d’un argent liquide, miroitants sous un ciel sans source lumineuse. Le sol semblait respirer doucement, et l’air avait une consistance nouvelle, presque douce au toucher.


Valeria resta sur le seuil.


Il n’y avait aucun bruit, mais le silence chantait.

Elle n’était pas effrayée. Pas vraiment. Plutôt saisie par une certitude silencieuse : elle n’était pas folle. Ce monde, cette porte, cette sensation depuis le réveil… ce n’était pas un hasard.


Quelque chose s’était ouvert. En elle, et autour d’elle.

La réalité avait glissé. Et maintenant, elle le comprenait : ce monde parallèle n’était pas une illusion. C’était peut-être l’autre face de la vérité.


Valeria inspira. Puis, sans se retourner, elle franchit le seuil .

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