La fleur



Le petit garçon avançait seul sur le chemin de terre, les chaussures pleines de poussière, les pensées lourdes. Il ne courait pas, ne sifflait pas, ne jouait pas. Il marchait comme on traverse un rêve un peu triste, sans trop savoir où aller, sans trop savoir pourquoi.


Le vent de mai soufflait doucement dans les branches. C'était un jour ordinaire, ni trop froid ni trop chaud, un de ces jours qui passent comme les autres quand on ne les attend pas. Autour de lui, la campagne s'étendait, calme et silencieuse. Seul le froissement des feuilles et le chant lointain d’un merle accompagnaient ses pas.


Il pensait à sa maman. Elle n’était plus là. Depuis quand ? Il ne comptait plus les jours. Il savait seulement que le matin, quand il se réveillait, le monde avait perdu quelque chose. Comme si une lumière s’était éteinte pour toujours.


Il n’avait pas pleuré aujourd’hui. Pas encore. Les larmes viennent parfois sans prévenir, mais aujourd’hui elles restaient loin, comme timides.


Alors qu’il longeait un fossé envahi d’herbes folles, une tache blanche attira son regard. Une fleur. Une seule. Dressée là, minuscule, fragile,debout contre le vent.


Il s'arrêta, surpris. Il se pencha doucement, sans bruit, comme si la fleur pouvait s’enfuir. Elle n’était pas très grande, pas très colorée. Ses pétales blanches tremblaient un peu. Mais elle était là, seule au milieu du chemin, comme un miracle oublié.


Il tendit la main. Il aurait pu la cueillir. Il le voulait presque.


Puis, il se retint.


— Pourquoi la cueillir ? pensa-t-il. Je n’ai plus de maman.


Et il sentit sa gorge se nouer. Les mots lui venaient comme ça, sans bruit, à l’intérieur. Comme s’ils cherchaient une réponse.


Il resta là, à genoux, la main suspendue au-dessus de la fleur.


Et alors, une idée se forma. Une idée douce, lumineuse, inattendue.


— Et si… et si je la cueillais pour une maman qui n’a peut-être plus ses enfants ?


Il répéta la phrase en lui, pour en goûter la forme, pour voir si elle tenait debout. Elle tint. Elle brillait même un peu.


Alors, il prit la fleur avec une infinie délicatesse. Il la coupa proprement, sans arracher la tige, sans blesser les feuilles. Il la tint dans sa paume, comme on tient un secret.


Il se releva, le regard un peu plus clair.


Il ne savait pas encore à qui il l’offrirait. Peut-être à cette vieille dame aux cheveux gris qu’il croisait parfois sur le banc près de l’église. Elle souriait toujours, mais ses yeux semblaient regarder plus loin que la place. Peut-être à cette voisine qui parlait à son chat comme à un enfant. Peut-être même à une femme inconnue, une passante, une étrangère, une maman quelque part.


Mais il savait que la fleur trouverait sa place. Parce qu’elle venait du cœur. Parce qu’elle venait d’un enfant qui, dans son chagrin, avait trouvé un peu de lumière.


Et sur le chemin du retour, sous le ciel doux, le petit garçon tenait sa fleur comme un trésor.


Et, sans même s’en rendre compte, il se remit à sourire.




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