L ' attrape - Rêves
La pluie tombait en fines aiguilles sur la ville, noyant les rues dans un voile de grisaille. Mathieu avançait d’un pas traînant, son long manteau rapiécé battant ses chevilles. Il fouillait les brocantes avec l’espoir d’y dénicher quelque chose d’intéressant, quelque chose qui vaudrait la peine d’être possédé, même pour un homme comme lui, à la marge du monde.
Sur un stand bancal, entre des babioles sans valeur et des bibelots poussiéreux, un pendentif attira son regard. C’était un cercle de métal noirci, tissé d’un fil presque effiloché, et orné d’une petite pierre turquoise. L’objet avait l’air usé par le temps.
— Cinq euros, annonça le brocanteur d’une voix lasse.
Mathieu haussa les épaules et tendit un billet . Il n’avait aucune idée de pourquoi il l’achetait. Peut-être parce qu’il trouvait l’objet étrange, peut-être parce qu’il avait besoin d’un porte-bonheur.
Il passa la chaîne autour de son cou et s’éloigna sans un mot.
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Ce fut la nuit suivante que tout commença.
Mathieu dormait à la dure, dans une chambre miteuse qu’il louait à la semaine. Le matelas était aussi fatigué que lui, et le plafond menaçait de s’effondrer sous le poids des années. Pourtant, ce soir-là, il sombra dans un sommeil plus profond qu’il n’en avait connu depuis longtemps.
Et il rêva.
Un rêve trouble, brumeux. Il marchait dans un couloir sans fin, ses pas résonnant sur un sol invisible. Une ombre le suivait, silencieuse et pourtant terriblement présente. Lorsqu’il se retourna, il ne vit qu’un vide abyssal. Mais il sentait la présence, il sentait le souffle glacé contre sa nuque.
Il voulut crier. Impossible.
Il voulut courir. Ses jambes étaient clouées au sol.
Puis, dans un fracas terrifiant, l’ombre s’élança sur lui.
Mathieu se réveilla en sursaut, trempé de sueur, le cœur battant à tout rompre.
Ce ne fut que le début.
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Les nuits suivantes furent pires. Chaque rêve le plongeait dans une nouvelle horreur. Des forêts sans fin où il entendait des murmures, des pièces closes dont les murs se resserraient lentement autour de lui, des visages sans yeux qui le fixaient dans l’obscurité.
Le pendentif.
C’était la seule chose qui avait changé dans sa vie.
Il tenta de l’enlever. Impossible. La chaîne semblait fusionnée avec sa peau. Il tira, griffa, essaya de couper le métal. Rien n’y fit.
Les nuits passèrent, et chaque rêve l’aspira un peu plus loin dans un monde où il n’était plus qu’un pantin à la merci des cauchemars. Il cessa de dormir. Ses paupières étaient lourdes, son corps à bout.
Un matin, il trouva un message gravé sur le mur de sa chambre, écrit avec ce qui ressemblait à du sang séché :
"L’attrape-rêves ne capture pas que les songes… Il enferme les âmes."
Mathieu sentit le froid s’insinuer en lui. Il comprit alors. Ce pendentif n’était pas un vulgaire bijou. C’était un piège.
Et il était déjà trop tard.
La nuit suivante, il ne se réveilla pas.
Son corps resta là, figé dans un sommeil éternel, tandis que son âme, elle, errait désormais dans le royaume des cauchemars.
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