Une île dans l'océan



Il est des jours où la grisaille s’invite jusque dans l’âme.

Les rues semblent plus étroites, les regards plus lointains, les heures plus lentes. Alors, pour respirer, je ferme les yeux. Et je revois la lumière. Celle de l’île des Pins.


C’était un lieu hors du monde. Une parenthèse suspendue entre ciel et mer, comme si le temps s’était arrêté avant de nous rejoindre.

Tout y paraissait plus pur, plus simple. Le sable pâle, le parfum des pins, la mer immobile qui retenait son souffle. Et toi, au milieu de cette clarté, comme un point d’équilibre dans un univers incertain.


Je ne sais plus comment tout a commencé. Peut-être par un mot anodin, un regard échangé, une de ces rencontres que le hasard feint d’improviser alors qu’il les écrit depuis toujours.

Tu étais là, et tout s’est apaisé.


Ta voix, douce comme un soir d’été. Ton sourire, léger et sincère.

Il y avait dans ta façon d’exister quelque chose d’évident, de rare. Une bonté simple, sans éclat, mais qui réchauffait tout ce qu’elle touchait.


Les jours s’étiraient lentement, rythmés par la mer et la lumière. Nous marchions souvent sans parler, côte à côte, dans cette paix nouvelle qui ne demandait rien.

Je me souviens du vent tiède, du cri des oiseaux marins, de cette impression étrange que le monde entier se taisait pour nous laisser respirer.


Parfois, nos mains se frôlaient. Juste cela.

Un frôlement, à peine un souffle. Et pourtant, tout semblait tenir là, dans ce presque.

Il y avait dans l’air une promesse silencieuse, un battement suspendu entre le possible et le renoncement.


Je crois que nous savions tous deux que ce moment ne reviendrait pas.

Les rendez-vous de l’âme ne se répètent jamais.

Ils naissent d’une lumière précise, d’une heure fragile, d’une rencontre que le destin ne permet qu’une fois.

Et pourtant, on s’y attache comme à une étoile qu’on espère revoir au matin.


Je me souviens du dernier jour.

Le ciel s’était voilé d’or et de cendres, comme un adieu sans mot.

Tu regardais la mer, immobile, tandis que la brise jouait dans tes cheveux. Il y avait dans ton silence toute la tendresse du monde, et dans ton regard, cette distance douce de ceux qui savent partir sans rompre.


Je n’ai rien dit.

Les mots auraient été trop lourds, trop imparfaits.

Il valait mieux laisser le vent parler pour nous.


Depuis, la vie a repris son cours. Les visages changent, les saisons s’effacent, et pourtant… parfois, dans la lumière tremblante d’un matin d’hiver, ton souvenir me traverse encore.

Non pas comme une douleur, mais comme une présence discrète, un parfum qu’on reconnaît sans le chercher.


Je sais désormais que l’amour ne s’efface pas.

Il se déplace, il se transforme, il se tait.

Mais il demeure, tapi dans les interstices du temps, dans la musique du vent, dans la mémoire d’un regard.


Quand la pluie s’attarde sur les vitres, il me suffit de penser à toi.

Alors, le gris se teinte d’azur, le silence redevient mer, et l’île renaît, intacte, dans un coin du cœur que rien ne peut atteindre.


Car certaines rencontres n’ont pas besoin d’avenir pour exister.

Elles ont suffi à illuminer le passé , et à murmurer, à travers les années, que l’amour, quand il est vrai, ne s’éteint jamais.



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