Un tour d'horloge



Il s’était réveillé plus tôt que d’habitude. Le calendrier, posé de travers sur la table de nuit, lui rappelait que la journée aurait un goût particulier. Une année de plus. Une de celles qu’il ne compte plus vraiment, mais qu’il accueille désormais avec la discrétion des choses simples.


Il s’assit au bord du lit et inspira doucement. Le silence de la maison avait la délicatesse d’un linge propre. Pas de fanfare, pas de gâteau. Seulement la lumière d’un matin sage glissant entre les rideaux.


Son téléphone vibra plusieurs fois au fil de la journée. Des messages parfois maladroits, souvent chaleureux. Des mots courts, comme si chacun craignait d’en dire trop. Il les lut sans répondre immédiatement. Il préférait les laisser infuser, leur donner le temps de trouver en lui la bonne place. Puis, avec une lenteur voulue, il répondit à chacun. Un remerciement sincère, dépouillé de toute emphase.


Au détour d’un nom oublié, d’une absence remarquée, il sentit une pointe brève dans la poitrine. Rien de douloureux. Une pensée suspendue.


Ceux qui, autrefois, ne manquaient jamais ce jour… Certains s’étaient éloignés sans bruit. D’autres avaient rejoint ces horizons où l’on ne souffle plus de bougies. Plusieurs, sans doute, continuaient de penser à lui, silencieusement, dans un recoin de mémoire où le temps ne fait pas de tri sévère. À ceux-là aussi, il adressa un salut intérieur, discret, presque timide.


Le soir arriva sans qu’il s’en aperçoive vraiment. La maison était devenue sombre . Il alluma une lampe et s’approcha de la fenêtre. Dehors, la rue dormait déjà, comme pour lui rappeler que chaque existence suit son rythme, ses saisons, ses oublis.


Il resta longtemps immobile, à observer les ombres se fondre dans la nuit. Il n’y avait rien à attendre, rien à espérer de plus. Le simple fait d’être là, enveloppé par le temps qui passait, suffisait.


Dans ce silence profond, il sentit que chaque message reçu, chaque absence aussi, faisait partie de la même douceur fragile. Comme les astres qui brillent ou se dérobent derrière les nuages, chacun existe, présent ou non, dans la trajectoire de sa vie.


Alors il s’autorisa un sourire tranquille.


Une année de plus se levait déjà, à pas feutrés.

Elle n’avait aucune promesse à tenir, sinon celle de continuer à exister.

Et cela, ce soir, lui parut infiniment précieux.

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