Un seul mot



Dans le monde, il y a énormément de belles choses.

Elles ne se voient pas toujours, mais elles existent, discrètes, tenaces, comme des fleurs dans les interstices du béton.

Il y a les rires d’enfants qui résonnent dans les cours d’école, la douceur d’un matin d’hiver quand la lumière se glisse entre les rideaux, la chaleur d’une tasse partagée, le souffle de la mer qui rappelle que tout respire encore.


Il y a les gestes simples : une main tendue, une porte qu’on retient pour un inconnu, un mot de réconfort laissé dans un murmure.

Et ces instants suspendus, infimes mais essentiels, où l’humanité se souvient d’elle-même.


Mais il y a aussi l’autre côté.

Celui qu’on préfère ne pas regarder trop longtemps.

Les rues où la peur rôde, les voix qui s’élèvent pour juger, les cœurs qui se ferment.

Il y a les guerres lointaines et les haines proches, les écrans qui propagent la violence, les regards qui se détournent par lassitude ou par honte.

Les hommes et les femmes qui se croisent sans plus se voir, comme des ombres errantes dans le vacarme du monde.


Et partout, cette agitation stérile, cette fièvre de tout contrôler, tout comprendre, tout posséder.

Les mots deviennent des armes, les idées des murs, les vérités des prisons.

On oublie la lenteur, la tendresse, la lumière des choses simples.

On oublie d’écouter.


Pourtant, il suffirait d’un mot.

Un seul.


Un mot oublié dans le tumulte, mais pas perdu.

Il dort quelque part, enfoui dans la mémoire collective, attendant qu’une voix le réveille.

Un mot que tous connaissent sans l’avoir jamais vraiment appris.

Un mot qui, lorsqu’il est prononcé avec sincérité, traverse les langues, les frontières, les âges.


Peut-être qu’il faut un enfant pour oser le dire à nouveau, sans crainte du ridicule ni du rejet.

Peut-être qu’il faut le souffle fragile d’une vieille femme, ou la voix d’un homme brisé qui se relève.

Peut-être qu’il faut le silence d’un matin après la guerre, ou la douceur d’un soir de pardon.


Il suffirait qu’une seule voix le prononce, claire et vraie.

Alors, quelque chose changerait.

Les visages se détendraient, les regards se croiseraient autrement.

Les tempêtes cesseraient, les armes tomberaient d’elles-mêmes, les frontières s’effaceraient comme des traces de pas sous la pluie.


Le monde, qui court après mille illusions, s’arrêterait un instant pour respirer.

Les foules retrouveraient leur cœur.

Les solitudes, leur écho.

Les blessures, leur baume.


Et tout redeviendrait possible.

Même l’impossible.


Un mot, un seul, suffirait à réaccorder la dissonance du monde.

Un mot que chacun porte en soi sans toujours le reconnaître.

Un mot plus fort que la peur, plus vaste que la haine, plus ancien que les empires.

Un mot qui ne réclame rien, sinon d’exister.


Ce mot, c’est celui qui contient tous les autres.

Celui qui unit au lieu de séparer, qui éclaire au lieu d’éteindre,

celui que le monde oublie quand il a le plus besoin de se souvenir :


Amour.



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