Ne pas oublier
Où que nos pas nous mènent, il y a toujours ce souffle invisible qui nous rattrape. Le vent. Pas seulement celui qui gifle le visage ou couche les arbres, mais ce vent plus intime, presque secret, qui se glisse dans la mémoire et ramène, comme des graines, les images de l’enfance.
À Yutz, dans le Grand Est, où Guy s’était installé, l’air portait d’autres parfums : la Moselle qui longe la ville, les forêts voisines, les saisons marquées. Mais parfois, au détour d’une rue, une brise venue de nulle part lui caressait le visage. Alors, dans ce souffle, il retrouvait le goût du sel sur ses lèvres, l’odeur des marais salants et le cri des mouettes. Noirmoutier surgissait, entière, depuis le plus profond de sa mémoire.
Il revoyait les digues chauffées par le soleil, les pins maritimes qui ployaient sous la poussée du vent d’ouest, et leurs cerfs-volants colorés qui s’élançaient vers le ciel. Chaque bourrasque lui rappelait la promesse de liberté qu’il ressentait enfant, les yeux fixés sur l’horizon marin.
Aujourd’hui, le souvenir de l’île ne lui pesait pas : il l’accompagnait. Il lui rappelait que ses pas, même ancrés loin de l’Atlantique, faisaient partie d’un voyage plus vaste, porté par le même souffle. Ses inquiétudes, ses doutes, ses ambitions n’étaient que des grains de sable dans la longue danse des vents et des marées.
Alors Guy reprit sa marche dans les rues de Yutz, le cœur léger. Car il savait que partout où il irait, il porterait avec lui ce vent invisible, celui de Noirmoutier. Fidèle et discret, il lui soufflait à l’oreille la plus simple des vérités : ne jamais oublier d’où l’on vient.
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