Cent pour cent



Sur Aldébaran, le temps était une flèche.

Sur Terre, il devenait un labyrinthe.

Et pour franchir ses détours, il ne suffisait pas de vivre cent années : il fallait cent récits.


Ces récits, je les ai déposés un à un, comme des pierres sur le rivage.

Ils étaient des signes, des veilles, des éclats de voix lancés dans la nuit.

Et peu à peu, de ces éclats naquit un cortège, une assemblée silencieuse qui m’accompagnait vers l’horizon.


Ils n’étaient plus seulement des personnages.

Ils étaient forces et fondamentaux , figures mouvantes qui m’ont guidé.

L’un portait la lumière fragile d’une lanterne que nulle tempête ne pouvait éteindre.

Un autre incarnait la quête blessée, l’interrogation sans fin qui ronge et qui éclaire tout à la fois.

Un autre encore avançait comme une racine, sûr et inébranlable, rappelant que l’on ne bâtit rien sans terre sous ses pas.

Certaines apparurent comme des flammes, jaillissantes et brèves, d’autres comme des fleuves, patientes et fécondes.

Il y eut aussi des guetteurs immobiles, dont le regard traversait le temps, et des passeurs qui tenaient en main la clé des seuils invisibles.


Et derrière eux, d’autres encore , tant d’ombres, tant de visages effleurés, qui ont laissé dans ces cent nouvelles leur trace, leur couleur, leur souffle. Même ceux qui n’ont fait qu’apparaître un instant comptaient autant que les figures éclatantes : car chaque voix, qu’elle chuchote ou qu’elle crie, nourrit l’ensemble.


Puis vint le moment du passage.

Le Gois s’ouvrit devant moi : mince chemin de sable et de pierre, tantôt submergé, tantôt révélé. Mais ce n’était plus seulement un bras de mer vendéen. C’était l’image du lien fragile qui unit deux mondes , la Terre et Aldébaran, l’éphémère et l’éternel, l’écriture et l’infini.

Chaque marée en effaçait les traces, chaque marée les faisait renaître. Comme si le cosmos lui-même respirait par ce lieu.


J’y posai mes pas, et derrière moi s’élevaient les cent récits comme une houle de mots. Je sentais battre en moi ce cœur vendéen : têtu, fidèle, humble, mais porté par une force plus vaste que lui. Terre et sel, racines et vent, mémoire et horizon. Tout cela s’unissait dans ce passage : fragile, mais nécessaire.


Alors j'ai compris.

Ces cent histoires n’étaient pas seulement des récits dispersés. Elles formaient ensemble un pont invisible, une arche tendue entre deux rives. Et ce pont n’existait que parce que d’autres pieds, d’autres regards, avaient accepté d’y cheminer.




Aux lecteurs


Vous qui avez franchi avec moi ces cent traversées,

vous qui avez accepté d’écouter la rumeur des personnages et le chant des lieux,

sachez que ce passage n’existe que par vous.


Chaque page, chaque voix, chaque image

n’a trouvé sa pleine lumière que dans vos yeux.

Car un récit ne vit que lorsqu’il est lu,

comme une étoile n’existe que si quelqu’un la contemple.


Cent pour cent :

c’est le don et le retour,

c’est l’histoire partagée.


Merci, du plus profond de ce rivage,

d’avoir marché à mes côtés.

Que la mer se retire, que le chemin se découvre encore,

et que vos pas, à présent, continuent la traversée.


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