Le secret de la pyramide rouge
La journée avait été exténuante.
Depuis l’aube, Ethène et Liyane fouillaient les entrailles poussiéreuses de la pyramide Sud de Dahchour, là où la plupart des archéologues avaient cessé de chercher depuis longtemps. Elles s’étaient acharnées sous un soleil impitoyable, balayant le sable, grattant les murs, mesurant chaque dalle comme si un miracle allait surgir au détour d’une pierre.
Mais rien.
Aucun couloir caché. Aucun tombeau. Juste des salles nues et des parois muettes. L’espoir s’étiolait à mesure que le jour déclinait. Le ciel virait à l’orange au-dessus de la pyramide, et les ombres s’allongeaient comme les bras d’un géant fatigué.
— On remballe ? soupira Liyane en retirant ses gants, le front perlé de sueur.
Ethéne acquiesça, sans répondre. Une déception lente s’infiltrait dans son esprit comme du sable dans une plaie. Tout ça pour si peu.
C’est alors que le cri retentit.
Un cri bref, strident, provenant de la salle centrale des fouilles.
Elles échangèrent un regard inquiet, puis se précipitèrent vers l’ouverture.
Dans la poussière et les gravats, un mur s’était partiellement effondré, découvrant une cavité que personne n’avait soupçonnée. Une faille béante, noire, d’où s’échappait un courant d’air froid. Une brise impossible, souterraine, qui sentait le métal et la nuit.
— Tu as vu ça ? murmura Liyane, les yeux écarquillés.
— C’est impossible… murmura Ethène. On a sondé toute cette zone. Il n’y avait rien.
— Il y avait… un souffle. Comme un soupir, dit Liyane, frissonnante. J’ai eu l’impression que quelque chose… respirait derrière la pierre.
Elles s’engagèrent dans l’ouverture, lampe frontale allumée, les mains crispées sur leurs outils. Le passage descendait lentement, ses murs gravés de signes inconnus. Rien de pharaonique. Des spirales, des figures d’étoiles, des silhouettes mi-humaines mi-abstraites.
Au bout d’une centaine de mètres, le couloir déboucha sur une salle circulaire.
Et là, le silence se fit absolu.
Au centre de la pièce trônait un piédestal d’obsidienne. Un tissu sombre, presque noir, y reposait comme une offrande oubliée. Autour du socle, un cercle gravé comportait des symboles qui pulsaient faiblement dans la pénombre. Ethène tendit la main et écarta le tissu.
L’objet qu’il recouvrait ne ressemblait à rien de connu. Il semblait fait d’un alliage métallique étrange, ni or ni cuivre, parcouru de filaments lumineux semblables à des veines. Une lentille noire, incrustée dans sa surface, les regardait comme un œil ancien, impassible.
Liyane s’accroupit pour lire les inscriptions.
— Ce mot revient plusieurs fois, murmura-t-elle. Neb-Ankh. Littéralement : « le maître de la vie ».
— Tu crois que c’est une urne ? demanda Ethène.
— Non… C’est un mécanisme. Regarde ces lignes… On dirait des circuits. Et ce symbole-là… Ce n'est pas égyptien. On dirait une carte stellaire.
Le sol vibra doucement.
La lentille s’éclaira d’une lumière bleutée, douce mais profonde, comme si elle s’allumait de l’intérieur. Des symboles commencèrent à s’afficher dans l’air au-dessus du socle, tournoyant lentement : des cercles emboîtés, des figures impossibles, une architecture mouvante.
Ethène et Liyane reculèrent d’un pas, fascinées.
— C’est… une interface, murmura Ethène. Pas un artefact. Pas un trésor. C’est un message.
— Ou un portail, dit Liyane.
Elles restèrent un long moment immobiles, comme suspendues. Puis Lyane s’approcha à nouveau du socle.
— Regarde ce glyphe. Il est répété autour du cercle. Je crois qu’il signifie « ouverture » ou peut-être… « fracture ».
— Fracture de quoi ?
Liyane hésita. Son regard glissa vers les symboles flottants, puis vers l’objet lui-même.
— De la réalité ? dit-elle dans un souffle.
La lumière bleue se mit à pulser plus vite. Un son grave, comme un bourdonnement lointain, emplissait à présent la salle. Les murs vibraient très légèrement, presque imperceptiblement, comme si l’espace tout entier résonnait à une fréquence nouvelle.
— Ethène , si cet objet n’est pas un tombeau ni une relique… alors c’est peut-être une clé. Une interface.
— Tu crois qu’il permet de voyager ?
— Peut-être pas dans l’espace. Mais entre des couches… des niveaux différents. D'autres plans. Des dimensions parallèles.
Ethène leva les yeux vers la voûte. Les fresques la représentaient elle… ou une silhouette qui lui ressemblait étrangement. Une femme tenant le même appareil entre les mains, traversant une série de portes lumineuses. Dans certaines, elle flottait au-dessus d’un désert d’étoiles. Dans d’autres, elle était seule, ou multiple.
Elle se tourna lentement vers Liyane, et dans ses yeux brillait une lueur étrange, entre la peur et l’émerveillement.
— Et si… ce qu’on croyait être un tombeau n’était pas un lieu de repos, mais un sas ? Une balise ?
— Ou une invitation, murmura Liyane.
Les symboles flottants se figèrent. Le sol se mit à vibrer plus fort. Un cercle de lumière s’ouvrit lentement sous le socle, projetant leur ombre sur les murs anciens.
Et alors qu’elles échangeaient un dernier regard, une voix , ou une pensée , s’imposa dans leurs esprits.
Vous avez trouvé le souffle. Oserez-vous franchir le passage ?
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