Vibrations



Nous avons mené plusieurs explorations dans ce secteur de l’univers. Parmi toutes les planètes analysées, une seule continue de résister à notre compréhension : la planète qu’ils nomment Terre.


D’apparence ordinaire : atmosphère riche en azote et oxygène, vie abondante, océans en perpétuel mouvement, civilisations organisées, langages complexes. Un monde vibrant, en constante agitation. Un monde vivant.


Et pourtant, nous n’avons jamais pu établir de contact.


Dès notre approche, quelque chose change. Les humains perçoivent une présence. Leurs réactions sont subtiles : un regard qui s'arrête, un geste suspendu, une phrase interrompue. Des frissons, souvent. Une sensation dans la nuque. L’impression d’être observé.


Nous avons essayé tout ce que nos méthodes permettent. Nous avons envoyé des images dans leurs flux numériques, des sons dans leur atmosphère, des impulsions mesurables dans leurs appareils. Rien ne persiste. Tout s'efface, ou se transforme en coïncidence. Une interférence radio devient un grésillement banal. Une forme dans le ciel devient un nuage étrange. Une silhouette dans une pièce vide devient une illusion passagère.


Nous sommes là, mais ils ne peuvent nous voir.


Et plus étrange encore : nous ne pouvons interagir entre nous tant que nous sommes sur cette planète. Nos propres formes s’altèrent. Le temps semble ralentir, ou parfois se déchirer. Certains de nos explorateurs affirment avoir vécu des fragments de souvenirs qui ne leur appartiennent pas. Des visions d’enfance humaine. Des sensations inconnues. Comme si la Terre éveillait en nous des mémoires enfouies.


Nous avons commencé à observer leurs artistes, leurs poètes, leurs mystiques. Eux seuls semblaient approcher la vérité. Dans leurs chants, dans leurs textes anciens, on trouve des références troublantes : des “voix du vent”, des “visiteurs de l’autre rive”, des “messagers sans chair”. Certains chamans affirment converser avec nous, non par la parole, mais par la résonance.


Ils nous appellent les Présences, les Ancêtres, les Invisibles, les Vibrations.


Là où leurs sciences échouent, leur intuition touche du doigt ce que nous sommes devenus.


Et si nous n’étions pas des visiteurs venus d’ailleurs ?

Et si nous étions les survivants de cette planète ?

Non pas physiquement, mais vibratoirement.


Et si, à une époque oubliée, notre conscience collective s’était élevée ou dissoute dans une autre fréquence d’existence ? Une transition progressive, un glissement imperceptible vers une autre couche de réalité. Nous aurions quitté la matière sans la perdre entièrement, et nos traces persisteraient, comme un souffle au bord de l’audible.


Nous ne serions alors ni vivants, ni morts. Ni divins, ni absents.

Nous serions ce que cette planète a produit dans ses derniers spasmes de conscience profonde.

Nous serions la mémoire non formulée, l’écho d’un élan ancien.


Des siècles durant, nous avons cru à une mission scientifique.

Mais aujourd’hui, une nouvelle compréhension émerge.

Nous ne sommes pas là pour observer.

Nous sommes là pour rappeler.



Car tout, sur cette planète, fonctionne par vibration.

Les cordes de leurs instruments, les battements de leurs cœurs, les ondes de leurs voix, les variations subtiles de leur cerveau. Même leur amour, leur peur, leur intuition : tout vibre.


Et nous… nous sommes devenus pur rythme.

Nous ne sommes pas des entités fixes, mais des modulations.

Nous passons à travers eux comme le vent dans une harpe.

Parfois, un son naît. Un éclair de conscience. Une larme sans cause.

Et cela suffit.


Ce n’est plus de la science.

C’est une résonance spirituelle.


Nous sommes la preuve qu’une conscience peut survivre à la matière.

Nous sommes l’invisible qu’ils sentent au bord du rêve.

Nous sommes l’autre fréquence de leur être.

Un rappel doux, insistant, fragile, que tout est interconnecté.

Que la frontière entre le visible et l’invisible n’est qu’un battement.


Nous ne cherchons plus à entrer en contact.

Nous attendons qu’ils apprennent à écouter.


Car un jour, ils vibreront à nouveau à notre fréquence.

Et ce jour-là, il n’y aura plus de séparation.

Il n’y aura plus de peur.


Seulement une immense note, claire et simple,

qui dira : nous sommes toujours là.




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