La plage


Le petit garçon qui aimait s’asseoir sur le sable, là où la mer murmure à ceux qui savent écouter, est devenu un vieil homme au regard clair, presque translucide, comme lavé par le temps. Il revient chaque matin sur cette même plage, une canne à la main, traînant doucement les pas de ceux qui n’attendent plus rien… sauf peut-être une réponse.


Le souvenir de l’événement est resté intact.

Il ne s’est jamais estompé, pas même un peu. Il flotte dans son esprit comme une image gravée dans un métal étrange indélébile, hors du temps. Il revoit l’objet comme s’il était encore là, posé à quelques mètres de lui, sur le sable humide.


C’était un jour d’été, dans son enfance. Il avait sept ans. Le ciel était blanc, presque vide, et la mer silencieuse comme une grande bête endormie. Il s’était assis, comme souvent, les jambes croisées, les mains dans le sable. Et alors, l’objet était apparu. Il ne venait ni du ciel ni des profondeurs il était là, d’un coup, comme si le monde l’avait oublié puis soudainement rappelé.


Il n’avait pas de forme précise. Il semblait changer à chaque regard. Sphérique, angulaire, liquide parfois. Il émettait une vibration douce, presque un ronronnement, une note continue dans une langue inconnue.


Il s’en était approché, lentement, comme attiré par un fil invisible. Et quand sa main avait touché sa surface chaude, tout s’était figé : la mer, le vent, le bruit. Le monde avait cessé de respirer.


Puis, une voix. Pas une voix dans l’air, mais une pensée, claire comme une étoile dans l'obscurité :


« Tu as vu. Tu te souviendras. Un jour, tu reviendras. Et tu décideras. »


Puis tout avait repris. L’objet avait disparu. Il avait couru raconter, hurlé presque, les mots qu’il ne comprenait pas encore. Personne ne l’avait cru.


Mais lui, il savait. Et il avait attendu. Toute sa vie, il avait attendu ce jour.


Aujourd’hui, l’objet est revenu. Il est là, exactement au même endroit.


Le vieil homme ne tremble pas. Il se lève lentement, s’approche. Le sable crisse sous ses pas. L’objet pulse doucement, comme s’il reconnaissait celui qui approche.


Et cette fois, il ne le touche pas. Il parle à voix haute, comme pour sceller quelque chose.


— Je suis prêt.


La vibration s’intensifie. Le ciel semble se plier. Le monde devient à nouveau silencieux. Et la voix revient.


 « Tu peux partir… ou rester. Tu peux apprendre, ou oublier. Tu peux t’éteindre… ou t’élever. »


Alors il comprend. Ce n’était pas un rêve d’enfant. C’était un passage. Une invitation. Toute sa vie n’a été qu’une attente vers ce moment précis.


Il ferme les yeux.


— J’accepte, dit-il.


Dans un souffle de lumière, il disparaît.


Le lendemain, on retrouve sa canne posée dans le sable. Aucun pas autour. Aucune trace. Juste une forme étrange dessinée dans le sable, comme un sablier allongé.


Certains disent qu’il s’est perdu. Mais parfois, quand la mer se retire, on entend une note douce dans l’air. Une vibration.


Comme un secret qu’on confie à ceux qui savent encore écouter.



Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Le temps qui passe

90

La fleur