Le vent
Le vent soufflait sur les ruines des cités englouties, glissait entre les squelettes d'antennes et les tours d’observation rouillées. Il n’était plus une simple masse d’air en mouvement : depuis la Grande Résonance, il avait changé. Certains disaient qu’il avait appris. D’autres, plus prudents, parlaient d’une mutation atmosphérique. Mais tous s’accordaient sur un fait : le vent n’était plus neutre.
Il observait.
Il portait en lui des données, des fréquences, des éclats de voix venus d’un autre temps. À chaque rafale, les micro-capteurs captés dans l’éther frémissaient, enregistrant des motifs codés. Les chercheurs parlaient de séquences sonores non aléatoires, d’un langage possible. Le vent comme vecteur d’un message. Ou peut-être, d’une conscience.
Sur les plateformes isolées, les veilleurs écoutaient. Ils leurs arrivaient d’entendre, dans la nuit, des murmures impossibles : prénoms oubliés, consignes murmurées, avertissements. Certains se levaient le matin avec une idée neuve, comme si elle avait été soufflée dans leur esprit. D’autres rêvaient de lieux qu’ils n’avaient jamais vus mais que le vent semblait leur décrire.
Certains gouvernements, inquiets, avaient tenté de le piéger. D’immenses dômes avaient été construits pour bloquer son passage, pour voir s’il pouvait être contenu. Mais rien n’y fit. Il passait quand il le décidait. Parfois il épargnait une station frappée de plein fouet par une tempête ionique. D’autres fois, il balayait sans raison des zones paisibles, effaçant tout.
Une théorie, interdite mais persistante, avançait que le vent était un relais une interface. Qu’il ne provenait pas seulement de l’atmosphère terrestre, mais qu’il véhiculait des fragments d’un signal émis au-delà. Un souffle ancien, en route depuis des millénaires, qui cherchait une forme de résonance avec notre monde.
Il ne détruisait pas. Il triait. Il sélectionnait.
Il y avait ceux qu’il contournait, comme s’ils n’étaient pas prêts. Et ceux qu’il effleurait, comme pour les réveiller. On disait que ceux-là changeaient. Leurs pensées devenaient plus claires. Leur mémoire plus vaste. Comme si quelque chose, en eux, s’alignait avec le rythme du vent.
Le vent, maintenant, faisait partie du vivant. Il n’était plus le simple souffle de la planète. Il était devenu son messager, ou peut-être son gardien.
Et dans son chant, qui traversait continents, océans et silences, certains entendaient la promesse d’une évolution. Ou l’avertissement d’une fin.
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